Page:Rolland Handel.djvu/56

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avait prêté une collection de leurs meilleures œuvres, en lui offrant de l'emmener les entendre à Florence. Mais Hændel avait refusé, disant qu’il ne pouvait rien trouver dans ces œuvres qui méritât les éloges du prince, et qu’il fallait que les acteurs fussent des anges pour faire paraître agréables de telles médiocrités[1].

Ce dédain de l’Italie n’était point spécial à Hændel ; il caractérisait sa génération et surtout la poignée de musiciens allemands qui vivaient à Hambourg. Avant eux, après eux, la fascination de l'Italie s’imposa à l'Allemagne. De même que Hassler et Schütz, Hasse, Gluck, Mozart y firent de longs et fervents pèlerinages. Mais pas plus que J.-S. Bach, Keiser, Mattheson, Telemann n’allèrent en Italie. Les musiciens de Hambourg voulaient bien s’assimiler l'art italien, mais ils ne voulaient pas aller se mettre à l’école de l'Italie. Ils avaient l’honnête ambition de créer un art allemand, indépendant de l'étranger. Hændel partageait ces grands espoirs, suscités un instant par le théâtre de Hambourg. Mais la ruine subite de ce théâtre lui fit voir le peu de fonds qu’il fallait faire sur le gout public en Allemagne. Et, en dépit de lui-même, il tourna

  1. Plus tard, Hændel disait encore que jusqu’à ce qu’il vînt en Italie, il n’avait jamais pu se figurer que la musique italienne, qui paraissait sur le papier si médiocre et si vide, pût faire un tel effet sur le théâtre.