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Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/264

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À force de vieillir est-ce que l’amitié
N’est pas un vin qui boute et qui tourne au vinaigre ?
L’amour sans appétit traînant son ombre maigre
Languit dans la contrainte et meurt dans la pitié.

L’Art, obstiné forçat de ses essors qui rampent,
Fermente en son horreur comme un mort dans son drap,
Et toujours plus épais, plus visqueux s’étendra
L’abîme de tristesse où ses deux ailes trempent.

Toute paix porte en elle un cauchemar latent :
L’innocence a des pleurs soufferts gouttes par gouttes
Et derrière l’effroi, se tenant aux écoutes,
L’espoir guette le pas du trouble qu’il attend.

Le malade se hait, le sceptique se ronge,
L’enthousiaste sait qu’il chauffe des glaçons,
Et le luxurieux, malgré tous ses frissons,
Ourdit la volupté comme on trame un mensonge.