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Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/226

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Beauté, jeunesse, et les Graces qui sont
Filles du Ciel, luy pendoient sur le front :
Mais ce qui plus redoubla mon service,
C’est qu’elle avoit un visage sans art.
La femme laide est belle d’artifice,
La femme belle est belle sans du fard.

VI. MADRIGAL

Depuis le jour que je te vey, Maistresse,
Tu as passé deux fois aupres de moy,
L’une muette et d’un visage coy,
Sans daigner voir quelle estoit ma tristesse
L’autre, pompeuse en habit de Déesse,
Belle pour plaire aux delices d’un Roy,
Tirant des yeux tout à l’entour de toy
Dessous ton voile une amoureuse presse.
Je pensois voir Europe sur la mer,
Et tous les vents de son voile enfermer,
Tremblant de peur en te voyant si belle,
Que quelque Dieu ne te ravist aux cieux,
Et ne te fist une essence immortelle.
Si tu m’en crois, fuy*l’or ambicieux :
Ne porte au chef une coiffure telle.
Le simple habit, ma dame, te sied mieux.

VII

L’Astre divin, qui d’aimer me convie,
Tenoit du Ciel la plus haute maison,
Le jour qu’Amour me mit en sa prison,
Et que je vy ma liberté ravie.