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Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/328

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Ceux qui ont en amour et prudence et cervelle,

Poursuivant les beautez, ne peuvent aimer bien.
Le vray amant est fol, et ne peut estre sien,
S’il est vray que l’amour une fureur s’appelle.
Souhaiter la beauté, que chacun veult avoir,
Ce n’est humeur de sot, mais d’homme de sçavoir,
Qui prudent et rusé cherche la belle chose.
Je ne sçaurois juger, tant la fureur me suit :
Je suis aveugle et fol : un jour m’est une nuict,
Et la fleur d’un Chardon m’est une belle Rose.


XXXIX

Au milieu de la guerre, en un siecle sans foy,
Entre mille procez, est-ce pas grand folie
D’escrire de l’Amour ? De manotes on lie
Des fols, qui ne sont pas si furieux que moy.
Grison et maladif r’entrer dessous la loy
D’Amour, ô quelle erreur ! Dieux, mercy je vous crie.
Tu ne m’es plus Amour, tu m’es une Furie,
Qui me rend fol, enfant, et sans yeux comme toy :
Voir perdre mon pays, proye des adversaires,
Voir en noz estendars les fleurs de liz contraires,
Voir une Thebaïde, et faire l’amoureux.
Je m’en vais au Palais : adieu vieilles Sorcieres.
Muses, je prens mon sac, je seray plus heureux
En gaignant mes procez, qu’en suivant voz rivieres.


XL

Le Juge m’a trompé : ma Maistresse m’enserre
Si fort en sa prison, que j’en suis tout transi :