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Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/332

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Si je suis, sans vous voir, deux heures à sejour,
Par espreuve je sens ce qu’on dit en proverbe,
L’amoureux qui attend, se vieillist en un jour.


XLII

Prenant congé de vous, dont les yeux m’ont donté,
Vous me distes un soir comme passionnée,
Je vous aime, Ronsard, par seule destinée,
Le Ciel à vous aimer force ma volonté.
Ce n’est vostre sçavoir, ce n’est vostre beauté
Ny vostre âge qui fuit vers l’Automne inclinée :
Ce n’est ny vostre corps, ny vostre ame bien-née,
C’est seulement du Ciel l’injuste cruauté.
Vous voyant, ma Raison ne s’est pas defenduë.
Vous puisse- je oublier comme chose perduë.
Helas ! je ne sçaurois, et si le voudrais bien.
Le voulant, je rencontre une force au contraire.
Puisqu’on dit que le Ciel est cause de tout bien,
Je n’y veux resister, il le faut laisser faire.


XLIII

Quand je pense à ce jour, où pres d’une fonteine
Dans le jardin royal savourant ta douceur,
Amour te descouvrit les segrets de mon cœur,
Et de combien de maux j’avois mon ame pleine :
Je me pasme de joye, et sens de veine en veine
Couler ce souvenir, qui me donne vigueur,
M’aguise le penser, me chasse la langueur,
Pour esperer un jour une fin à ma peine.