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Page:Rosenthal - Carpaccio, Laurens.djvu/43

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VITTORE CARPACCIO.
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du Canal Grande, leur image ranime le passe évoqué.

Cependant, toute présentation officielle, pour ingénieuse qu’elle soit, est froide, et l’on sent les toiles étrangères aux murs qui les abritent.

Une promenade au long des calle étroites de l’ancien quartier des Grecs prépare la visite de Saint-Georges des Esclavons.

Des rios mornes où un palais Renaissance rouge côtoie un crépi sale qui s’effrite, des rues comme des parois de prison sans fenêtres, — si étroites qu’on s’y faufile plutôt que l’on n’y marche, — des pavés rudes, des loques qui pendent et soudain, dans un élargissement qui parait ici une piazzetta, des boutiques basses de poissons et de fruits. Poêles où le calmar se dore dans l’huile chaude, baquets de poulpes, colliers de piments et d’aubergines, citrons en tas et raisins dorés ; joyaux violents autour desquels les enfants se poursuivent en criant, les femmes causent dans le dialecte aux consonances eufantines, le teint pâle, le corps voilé par les lignes souples du châle qui tombe.

De ce coin éclatant après les voies obscures on parvient, en franchissant un ou deux rios plus larges, à l’église simple de Saint-Georges des Esclavons. La façade est sans pompe, intéressante par un double bas-relief ; la Madone à laquelle saint Jean amène un dévot : au-dessous, le combat de saint Georges contre le dragon. Elle arrête peu et l’on pénètre dans la pénombre d’une salle modeste dont émane un recueillement harmonieux.