Aller au contenu

Page:Rosier - Histoire de la Suisse, 1904.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
TEMPS PRIMITIFS

pas s’attaquer aux églises, aux moines désarmés, aux marchands inoffensifs, et de ne pas se battre durant la Trêve de Dieu. Cette trêve durait chaque semaine du mercredi soir au lundi matin suivant, et, en outre, pendant les grandes fêtes religieuses. Le peuple accueillit cette décision avec des transports de joie, aux cris de « Dieu le veut ! Paix ! Paix ! » La Trêve de Dieu fit beaucoup de bien, mais elle ne fut pas toujours observée.


12me LECTURE

L’abbaye de Saint-Gall. — L’abbaye de Saint-Gall doit son origine au modeste ermitage que le missionnaire irlandais Gall fonda au milieu des forêts vers l’an 614. Elle se développa grâce au travail des moines, aux dons qu’elle reçut des rois et des seigneurs, et devint au neuvième et au dixième siècle le monastère le plus célèbre de la Suisse. En 926, elle eut à souffrir de l’invasion des bandes sauvages des Hongrois, qui détruisaient tout sur leur passage. Mais les religieux, avertis de l’approche de ces barbares, purent heureusement trouver à temps un refuge.

Le nombre ordinaire des moines dépassait la centaine. Il y avait en outre de nombreux domestiques, des ouvriers, des pensionnaires, de sorte que l’ensemble des constructions nécessaires pour abriter cette population formait une petite ville. L’église et les bâtiments réservés aux moines en occupaient la partie centrale. Tout autour se trouvaient les cuisines, la boulangerie, les ateliers, les écoles, l’infirmerie, les écuries, le cimetière, etc. L’église était richement décorée. On y voyait des fenêtres claires en verre, chose rare pour l’époque, des lustres montés en or et en argent, des crucifix ornés

L’abbaye de Saint-Gall au XIme siècle.

Fig. 48. — L’abbaye de Saint-Gall au XIme siècle.
Spécimen de gravure ornant un manuscrit de l’abbaye de Saint-Gall.

Fig. 49. — Spécimen de gravure ornant un manuscrit de l’abbaye de Saint-Gall.
(Un moine offrant son ouvrage à saint Gall.)


de pierres précieuses et d’autres curiosités qui faisaient l’admiration des visiteurs.

Les moines devaient une obéissance absolue à leur supérieur, c’est-à-dire à l’abbé. Ils ne pouvaient rien recevoir en don ou en héritage ; tout devait être donné à l’abbaye. La nourriture était très simple ; elle se composait ordinairement de soupe et de légumes. La vie au couvent était fixée heure par heure. La règle ordonnait aux religieux de se réunir pour chanter la prière en commun, d’abord aux matines qui commençaient à deux heures du matin, puis six fois pendant le jour. Les moines savaient sculpter le bois, fondre les cloches, ciseler les métaux précieux. Ils copiaient des manuscrits et les ornaient d’images peintes dont les superbes couleurs se sont conservées intactes jusqu’à nos jours. La bibliothèque du couvent était regardée comme la plus riche de l’époque. Elle comptait 400 volumes, entièrement écrits à la main car l’imprimerie n’existait pas encore.

Le couvent de Saint-Gall fut surtout célèbre par ses écoles où étaient réunis jusqu’à trois cents élèves. Ses moines avaient dans toute l’Europe une grande réputation de savants et d’artistes. Ils enseignaient le latin, le grec, l’hébreu, l’allemand, la géométrie, l’arithmétique, la médecine, la musique. Les élèves étaient soumis à une discipline sévère et, pour des fautes légères, ils étaient punis de la verge. Aussi leur docilité était grande. On raconte qu’en 911, un roi alle-