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TEMPS PRIMITIFS

Instruments d’agriculture en usage au moyen âge.

Fig. 62. — Instruments d’agriculture en usage au moyen âge.
(D’après des gravures du temps.)


belle race. Comme le commerce n’était pas considérable et ne pouvait fournir des denrées agricoles en grande quantité, chaque contrée devait se suffire à elle-même. Dans les années de mauvaise récolte, la disette régnait. Les famines ont été fréquentes au moyen âge.

L’industrie se pratiquait dans les villes, mais elle n’avait pas l’importance qu’elle a prise de nos jours. Il n’y avait pas alors de grandes usines. Chaque patron travaillait dans sa maison, souvent seul ou avec deux ou trois ouvriers et autant d’apprentis. Les artisans exerçant le même métier formaient une société dont les règlements étaient sévères ; on donnait à ces corps de métier le nom de tribus ou d’abbayes. Celui qui voulait devenir maître, c’est-à-dire patron, devait être d’abord apprenti, puis compagnon ou ouvrier ; il devait en outre faire son tour de France ou d’Allemagne pour se perfectionner dans son métier, et enfin passer un examen. Peu à peu l’industrie se développa ; au treizième siècle, Zurich était déjà connu pour ses étoffes de laine et de soie, Saint-Gall pour ses toiles, Berne et Fribourg pour leurs draps.

Le commerce aussi devint plus actif. Pourtant la vie du marchand n’était pas toujours facile. Les routes n’étaient pas sûres en temps de guerre ; d’ailleurs, personne ne les entretenait. Les ponts étaient en petit nombre et souvent en mauvais état. En beaucoup d’endroits, il fallait passer les rivières en bac, ou à gué, et les noyades n’étaient pas rares. À la frontière de chaque seigneurie, les marchandises devaient payer des droits.

Ces difficultés n’arrêtaient pas les marchands ; mais les denrées étrangères étant rares, ils exigeaient des prix énormes et faisaient de gros bénéfices. De grandes foires, qui duraient plusieurs semaines, avaient lieu dans un certain nombre de localités. C’est là que les marchands se rendaient et que les habitants de chaque région venaient s’approvisionner. Ces foires étaient aussi l’occasion de fêtes et de divertissements ; la foule ne se contentait pas d’acheter, elle s’amusait à voir les saltimbanques, les montreurs de chiens savants et d’animaux féroces. Bâle, Zurich, Lucerne prirent de plus en plus d’importance comme villes de commerce. Genève avait des foires très fréquentées, où se rendaient des marchands de France, d’Allemagne et d’Italie ; c’était l’entrepôt des épices de l’orient et des fruits du midi. Le commerce de l’argent était entre les mains des banquiers juifs et italiens.

C’est grâce à l’industrie et au commerce que les villes s’enrichirent et qu’elles parvinrent à s’émanciper peu à peu. Beaucoup de bourgeois étaient plus riches que des seigneurs. On raconte que l’empereur Rodolphe de Habsbourg, dînant un jour chez un tanneur de Bâle, fut étonné de se voir splendidement servi dans de la vaisselle d’or et d’argent. « Comment se fait-il, lui dit Rodolphe, qu’étant si riche, vous continuiez à exercer votre métier ? » — « C’est que, répondit le tanneur, c’est le métier qui fait la richesse. »