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Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/134

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des fauves, sur l’immense prairie pourrissante, ce serait jour et nuit l’embûche et le guet, la brutalité de l’élément et la perfidie du félin.

Naoh, un matin, s’arrêta devant le chef des mammouths et lui dit :

— Le fils du Léopard a fait alliance avec la horde des mammouths. Son cœur est content avec eux. Il les suivrait pendant les saisons sans nombre. Mais il doit revoir Gammla au bord du grand marécage. Sa route est au nord et vers l’occident. Pourquoi les mammouths ne quitteraient-ils pas les bords du fleuve ?

Il s’était appuyé contre une des défenses du mammouth ; la bête, pressentant son trouble et la gravité de ses desseins, l’écoutait, immobile. Puis elle balança lentement sa tête pesante, elle se remit en route pour guider le troupeau qui continuait à suivre la rive. Naoh pensa que c’était la réponse du colosse. Il se dit :

« Les mammouths ont besoin des eaux… Les Oulhamr aussi préféreraient aller avec le fleuve… »

La nécessité était devant lui. Il poussa un long soupir et appela ses compagnons. Puis, ayant vu disparaître la fin du troupeau, il monta sur un tertre. Il contemplait, au loin, le chef qui l’avait accueilli et sauvé des Kzamms. Sa poitrine était grosse ; la douleur et la crainte l’habitaient ; et, dirigeant les yeux, au nord-occident, sur la steppe et la brousse d’automne, il sentit sa faiblesse d’homme, son cœur s’éleva, plein de tendresse, vers les mammouths et vers leur force.