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Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/155

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cuivrée et l’homme, retirant vivement l’arme, amena une carpe colossale. Nam et Gaw poussèrent un cri de joie : la bête suffirait au repas de plusieurs hommes. Ils ne regrettèrent plus que le chef eût sauvé la vie de cette créature inquiétante.

Ils le regrettèrent moins encore quand il eut capturé d’autres poissons, car il avait un instinct de pêche extraordinaire. L’énergie renaquit dans les poitrines : voyant qu’une fois de plus l’action du chef avait été bienfaisante, Nam et Gaw s’exaltèrent. Parce que la chaleur courait dans leur chair, ils ne crurent plus qu’ils allaient mourir : Naoh saurait tendre un piège aux Nains Rouges, les faire périr en grand nombre et les épouvanter.

Le Fils du Léopard ne partageait pas cette espérance. Il ne découvrait aucun moyen d’échapper à la férocité des Nains Rouges. Plus il réfléchissait, mieux se révélait l’inutilité des ruses. À force de les repasser dans son imagination, elles s’usaient en quelque sorte. Il finissait par ne plus compter que sur la rudesse de son bras et sur cette chance en qui les hommes et les animaux, que de grands périls n’ont pu atteindre, mettent leur confiance.

Le soleil était presque au bas du firmament, lorsque l’ouest s’emplit d’une nuée tremblotante, qui se disjoignait continuellement, et où les Oulhamr reconnurent une étrange migration d’oiseaux. Avec un bruit de vent et d’onde, les bandes rauques des corbeaux précédaient les grues aux pattes flottantes, les canards dardant leurs têtes versicolores, les oies aux outres pesantes, les étourneaux lancés comme des cailloux noirs. Pêle-mêle, affluaient des grives, des pies, des mésanges, des sansonnets, des outardes, des hérons, des engoulevents, des pluviers et des bécasses.

Sans doute, là-bas, derrière l’horizon, quelque rude