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Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/35

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D’abord, le combat avait surpris les autres mâles. Les quatre mammouths et les sept taureaux se tenaient face à face, dans une attente formidable. Aucun ne fit mine d’intervenir : ils se sentaient menacés eux-mêmes. Les mammouths donnèrent les premiers signes d’impatience. Le plus haut, avec un soufflement, agita ses oreilles membraneuses, pareilles à de gigantesques chauves-souris, et s’avança. Presque en même temps, celui qui combattait le taureau dirigeait un coup de trompe violent dans les jambes de l’adversaire. L’aurochs chancela à son tour et le mammouth se redressa. Les énormes bêtes se retrouvèrent face à face. La fureur tourbillonnait dans le crâne du mammouth ; il leva la trompe avec un barrit métallique et mena l’attaque. Les défenses courbes projetèrent l’aurochs et firent craquer l’ossature ; puis, obliquant, le mammouth rabattit sa trompe. Avec une rage grandissante, il creva le ventre de l’adversaire, il piétina les longues entrailles et les côtes rompues, il baigna dans le sang, jusqu’au poitrail, ses pattes monstrueuses. L’effroyable agonie se perdit dans un roulement de clameurs : la bataille entre les grands mâles avait débuté. Les sept aurochs, les quatre mammouths se ruaient dans une bataille aveugle, comparable à ces paniques où la bête perd tout contrôle sur elle-même. Le vertige gagna les troupeaux ; le beuglement profond des aurochs se heurtait au barrit strident des mammouths ; la haine soulevait ces longs flots de corps, ces torrents de têtes, de cornes, de défenses et de trompes.

Les chefs mâles ne vivaient plus que la guerre : leurs structures se mêlaient dans un grouillement informe, une immense broyée de chairs, pétrie de douleur et de rage. Au premier choc, l’infériorité du nombre avait donné le désavantage aux mammouths. L’un d’eux fut terrassé par trois taureaux, un deuxième immobilisé dans la