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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/124

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MIRABEAU.

contreux défenseurs des vieilles coutumes de la Provence. Ces âpres plaidoyers, ces discours véhéments que la noblesse avait refusé d’entendre, le peuple les lisait avec avidité et les applaudissait avec fureur. C’est dans un de ces écrits éphémères qu’on rencontre, jeté au courant de la plume, ce lieu commun superbe, devenu classique aujourd’hui : « Dans tous les pays, dans tous les âges, les aristocrates ont implacablement poursuivi les amis du peuple. Si, par je ne sais quelle combinaison de la Fortune, il s’en est élevé quelqu’un de leur sein, c’est celui-là surtout qu’ils ont frappé, avides qu’ils étaient d’inspirer la terreur par le choix de la victime. Ainsi périt le dernier des Gracques, de la main des patriciens. Mais, atteint du coup mortel, il lança de la poussière vers le ciel, en attestant les dieux vengeurs, et de cette poussière naquit Marius ; Marius, moins grand pour avoir exterminé les Cimbres que pour avoir abattu dans Rome l’aristocratie de la noblesse ! »

Marins et les Cimbres ! Rome et les Gracques ! C’étaient sans doute de bien grands noms ; et ces dignes magistrats du parlement de Provence, ces honnêtes gentilshommes d’Ollioules et de l’Esterelle, qui s’étaient montrés un peu durs pour Mirabeau, ne ressemblaient guère aux « Patriciens » ni aux Pères Conscrits de la grande République. Quant à lui, si l’on pouvait, de loin, lui trouver avec « le dernier des Gracques » un certain air de famille, personne, à Aix, ne parlait d’immoler « à l’aristocratie de la noblesse cette autre victime ».