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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/146

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MIRABEAU.

tisme. Le Roi se trompait de bien plus de cent ans. Il semblait, à l’entendre, qu’il pût reprendre le lendemain ce qu’il aurait cédé la veille, et forcer la séparation des trois ordres comme ses devanciers forçaient l’enregistrement d’un édit. Enfin, bien qu’il parlât très haut de sa volonté souveraine, on sentait sous ces apparences résolues un pouvoir indécis, qui n’irait peut-être jusqu’au bout ni de ses promesses ni de ses menaces. Pour avoir dit à contresens, et peut-être à contre-cœur : Je défends, je veux, j’ordonne, le Roi perdit dans un instant, aux yeux du peuple, le droit de rien ordonner et le pouvoir de rien défendre…. Quelques jours après, malgré ses ordres formels, l’Assemblée nationale avait remplacé les États généraux ; — et la révolution était faite.

Quels furent, dans cette journée fameuse, l’attitude et le langage de Mirabeau ? Rien n’est plus incertain. A-t-il prononcé, le 23 juin, les paroles violentes qui, dans le commun des esprits, ont survécu presque seules à tous ses discours ? c’est douteux. Dans tous les cas, il ne les a pas dites, certainement, telles que la postérité les a retenues, avec la mise en scène que les mensonges de la politique ou les fictions de l’art ont rendue populaire, et qu’après tant d’années, nous ne pouvons plus oublier. Lui-même, le lendemain, ne les a pas rapportées ainsi. Enfin, s’il a déclaré, ce jour-là, que le Tiers ne se retirerait pas devant les ordres de la cour, il n’a fait que répéter ce que Siéyès et Bailly avaient dit clairement plusieurs jours avant lui.