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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/162

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MIRABEAU.

tour à tour, chacun des États de l’Amérique affranchie venait de se donner. Plus tard, ils se retrouveront au fond de toutes les constitutions que, tour à tour, essaiera la France ; et la charte de 1814 n’en est guère que la paraphrase et le développement monarchique.

En 1789, il fallait que ces principes fussent proclamés solennellement. Car, on a beau dire, la force et le hasard ne mènent pas seuls les affaires de ce monde. Après une longue servitude, ou après une longue anarchie, il vient un temps où une nation a besoin de se recueillir, de se tâter et de se reprendre. Il faut qu’elle sache où elle en est, ce qu’elle croit, ce qu’elle sait, ce qu’elle veut, et qu’elle se le dise à elle-même. Ce ne sont là ni de vains discours ni une rhétorique inutile.

Il y a cent ans, en France, après deux siècles de gouvernement absolu, pendant lesquels « l’homme et le citoyen » n’avaient eu, à vrai dire, aucun droit bien assuré , « la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » était l’expression nécessaire d’un besoin légitime. J’ose prévoir que, par des routes très différentes et par un retour inévitable de la conscience nationale, la France en reviendra là dans quelques années. Après un siècle d’anarchie morale et politique, pendant lequel « l’homme et le citoyen » auront été flattés sans mesure, exaltés sans pudeur, rassasiés d’orgueil et de licence, un cri de lassitude et de dégoût sortira de tous les cœurs ; et, république ou monarchie,