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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/169

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MIRABEAU.

On sait comment, dès cette époque, la justice du peuple punissait la trahison et les traîtres. « Citoyens, écrivait Marat dans l’Ami du Peuple, élevez huit cents potences. Pendez-y tous ces traîtres, et à leur tête, l’infâme Riqueti l’aîné !… » Mirabeau, dans ce grand débat, jouait donc plus que sa popularité. Il risquait sa vie ; et c’est son courage qu’il faut louer ici plus que son discours ; non pas seulement ce courage oratoire, cette bravoure un peu théâtrale qu’anime le bruit de la parole et que la fanfare des mots accompagne ; mais ce mépris du danger, cette intrépidité native, de tempérament et de race, qui faisait le fond de son éloquence parce qu’elle était le fond de toute sa vie.

« Je répondrai en homme que n’étonnent pas plus les battements de mains que les murmures », disait-il en tenant tête aux menaces des gens de la gauche. Et, quelques jours après, bravant les insultes de ses adversaires, faisant entendre aux représentants d’un peuple libre les paroles que, huit années auparavant, il adressait au plus dur des despotes, il adjurait l’Assemblée de rejeter, sur son titre seul, sans en permettre la lecture, un projet de loi contre les émigrés.

« L’homme ne tient pas par des racines à la terre ; ainsi, il n’appartient pas au sol. L’homme n’est pas un champ, un pré, un bétail ; ainsi il ne saurait être une propriété. L’homme a le sentiment intérieur de ces vérités simples ; ainsi, l’on ne saurait lui persuader que ses chefs aient le droit de l’enchaîner à la