Aller au contenu

Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
MIRABEAU.

gêner dans sa marche ni le distraire de son œuvre. Son intelligence, son génie suffiront à tout ; mais il faut qu’il les emploie tout entiers, sans en rien laisser perdre. C’est un grand moteur politique, qui fera toute sa besogne si on l’alimente, si on le met à l’aise, bien d’aplomb, en mesure de fonctionner largement, avec ses machines en bon état et son outillage bien monté. Ce sauveur prédestiné du pays et du trône, c’est Mirabeau.

S’il demande aujourd’hui cinquante louis au comte de Lamarck, mille louis demain au comte de Provence ; s’il reçoit 50 000 livres des mains de la Fayette, plus tard, un traitement fixe du Roi, ce n’est pas par goût, par avidité, pour son seul plaisir ; c’est pour le bien du pays et pour le service de l’État ; pour pouvoir penser, parler, agir en pleine liberté, se posséder lui-même et « donner à la patrie en danger toutes ses forces ; c’est sous ce rapport seulement qu’il désire que ses dettes soient payées ».

Dans l’intérêt général, il faut que ce grand pensionnaire de la nation soit affranchi de tout souci ; qu’il n’ait pas sans cesse aux oreilles la sonnette de ses créanciers, sous les yeux les mémoires menaçants de ses fournisseurs ; « pas d’embarras subalterne qui l’étouffe,… pas de chat dans les jambes qui le harcèle…. Il ne veut être ni indiscret, ni avide ; mais il n’entend pas être dupe. »

Ce n’est pas assez. Comme il est seul pour sauver le royaume, il faut qu’il veille à tout, qu’il sache tout, qu’il soit partout à la fois ; qu’il ait sa police