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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/197

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MIRABEAU.

conclu, il n’a rien cédé de sa raison, de sa conscience ni de ses principes.

Voilà, ce me semble, quand il avait le temps de penser, ce que Mirabeau trouvait au fond de lui-même. La grandeur du but qu’il poursuivait, et de l’homme qui le devait atteindre, lui cachait la bassesse et les périls des moyens qu’il mettait en œuvre. Il défendait la cause de la monarchie, parce qu’il la trouvait juste ; il recevait l’argent du Roi, parce qu’il en avait besoin. Entre le service et le salaire, il ne se faisait, dans son esprit, aucune mésalliance qui le pût choquer. Rien n’étant à sa taille autour de lui, il ne trouvait de mesure nulle part, ni pour ses talents, ni pour sa conscience.

D’ailleurs, quand il vante son activité ; quand il parle de ses fatigues, de ses forces qui s’usent, de sa santé qui s’altère, de sa vie qui s’épuise, Mirabeau n’exagère rien. Nous en avons la preuve sous les yeux ; et cependant on croit rêver lorsqu’on lit ces lettres, écrites par centaines et par milliers, qui, presque toujours, contiennent quelque trait de génie lancé à l’aventure ; dont plusieurs feraient à elles seules, par leur tour original ou par leur allure puissante, la fortune et la renommée d’un écrivain. Et ces discours, harcelés par des interruptions violentes, par des cris furieux et par des menaces de mort ; commencés, suspendus, repris le soir ou le lendemain avec la même suite obstinée, avec la même vigueur, sans une défaillance de pensée, sans une détente de logique ou d’éloquence ! Puis, au cours de ces tra-