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MIRABEAU.

pour eux-mêmes que la terreur des mouvements populaires les contienne encore ?… »

En parlant ainsi, cet ami singulier du Roi avait devant lui, au pied de la tribune, un détachement de la garde nationale de Paris, admis à dénoncer « à la barre de l’Assemblée » les ennemis « de la Révolution » !…

Enfin, dans ses épanchements les plus intimes, il ne se montrait pas plus respectueux pour les personnes royales qu’il n’était, à la tribune, modéré envers leurs amis. Un jour, entre autres, se croyant supplanté dans la confiance du Roi par l’honnête Bergasse, il laissait échapper, en écrivant au comte de Lamarck, des expressions dont l’inconcevable brutalité révoltait à lion droit la fidélité de ce loyal serviteur.

En voilà bien assez, sans doute, pour laver Mirabeau du reproche de vénalité, au sens où il le faut entendre ; pour montrer qu’en faisant acheter ses services, il n’avait pas vendu son indépendance, et qu’en défendant la Révolution et la monarchie, il croyait rester fidèle à tout son passé. Dans tous les cas, il n’en fallait pas davantage pour satisfaire sa raison et pour étourdir sa conscience. Mais, en politique comme ailleurs, ces marchés équivoques portent avec eux leur châtiment ; et, tandis que celui qui reçoit se croit toujours fort au-dessus de son salaire, celui qui paie ne se trouve jamais assez bien servi pour son argent.

C’est ce que, plus d’une fois, la cour lui fit claire-