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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/22

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MIRABEAU.

Sa famille ne l’approchait qu’à distance, dans le respect superstitieux, dans le culte redouté de l’autorité paternelle qui ne connaissait ni les caresses ni les baisers. Son fils le dit dans des termes dont la simplicité fait frémir : « Je n’ai jamais eu l’honneur de toucher la chair de cet homme respectable ».

Qu’a pu être le ménage de ce formidable mari ? Belle, jeune et de grande famille, il ne paraît pas que sa femme — une Castellane — ait trouvé le joug trop pesant. Elle n’a rien fait du moins pour l’alléger ou s’en affranchir. Mais ces mornes résignations ont parfois de cruels retours. Veuve et retirée chez son fils, dans une maison livrée à tous les désordres, la pauvre femme fut atteinte, vers ses vieux jours, d’une odieuse folie qui n’était peut-être que le réveil vengeur des feux mal éteints de sa jeunesse.

Tel est le premier ancêtre de Mirabeau qui nous soit bien connu, et avec lequel on puisse lui trouver déjà quelque air de famille. L’énergie, l’égoïsme, un tempérament indomptable, une familiarité grandiose, des airs de magnificence « essoufflée » ; une indépendance rétive que n’intimidaient ni les préjugés du monde, ni le prestige de l’autorité souveraine ;… si l’on ajoute à ces traits notables « l’éloquence mâle » que Vauvenargues prête à ce grand soldat féodal, on aura déjà l’ébauche, l’original grossier d’un type puissant qu’une génération nouvelle va faire revivre, en l’accommodant aux mœurs, aux idées et aux passions d’un autre âge.