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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/221

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MIRABEAU.

Pour comprendre quel était le trouble des esprits, il faut lire, au jour le jour et heure par heure, dans les écrits contemporains, le récit effaré de cette grande surprise. C’était une force nationale qui s’écroulait tout à coup ; le dernier étai d’une société en ruine.

Durant cinq jours, rassemblés pêle-mêle autour de sa demeure dans une angoisse commune, contenus par des barrières, maintenus par une haie de soldats, des citoyens de toutes les classes et de tous les partis se transmettaient, de proche en proche, les nouvelles qui allaient se répandre ensuite dans la ville et dans toute la France.

Là-haut, dans la chambre où Mirabeau allait mourir, les médecins impuissants de cette maladie sans espoir, Cabanis et Petit, penchés sur ce corps robuste qu’ils disputaient vainement à la mort, épiant le réveil de cette nature si jeune encore et de ce tempérament ivre de vie…. Auprès d’eux quelques amis, quelques serviteurs consternés : le comte de Lamarck, Frochot, le jeune de Comps, le fidèle Legrain ;… de temps en temps une députation impitoyable d’électeurs ou de patriotes, — qui venait débiter au chevet de ce lit de douleur des niaiseries solennelles ; — par intervalles, aussi, l’évêque d’Autun, toujours avisé, partout à sa place, et dont les visites complaisantes défendaient le malade contre les importunités pieuses de son curé. Dans l’antichambre, dans l’escalier, à toutes les portes, l’inévitable Sémonville rôdant autour de cette mort….