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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/227

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MIRABEAU.

funérailles triomphales que ses contemporains lui ont faites, cette question demeure encore incertaine. Chargée, à poids égal, de louanges et d’outrages, cette mémoire flottante n’a pas encore trouvé son équilibre et pris son aplomb. Je peux en parler librement. Ce n’est pas mon grain de sable qui fera descendre ou monter la balance.

« Mirabeau savait tout et prévoyait tout », a dit Mme de Staël, qui pourtant ne l’aimait guère. C’est « le plus grand génie politique que les temps modernes aient enfanté », a dit Lamartine, qui, en parlant d’un autre, songeait souvent à lui-même. Je doute que la postérité ratifie ces jugements.

Si Mirabeau a « tout prévu », il l’a fait trop tard, dans un temps où beaucoup d’autres pouvaient prévoir comme lui, et quand ce qu’il avait fait pour tout détruire permettait de prédire à coup sûr qu’on ne pourrait rien relever.

« Le plus grand génie politique des temps modernes ?… » Henri IV, Richelieu, Mazarin, Louis XIV — lui-même — ont été cependant d’assez grands politiques, et des politiques heureux ; j’entends qu’ils ont fait des établissements glorieux et durables, des conquêtes solides, assuré pour longtemps la grandeur de leur patrie et son importance dans le monde. C’est à ces signes que les grands politiques se font connaître.

Mirabeau a pu concevoir tout cela, mais il n’en a rien pu faire. On trouve dans ses écrits des vues lointaines et profondes, dans ses discours de beaux