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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/36

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MIRABEAU.

les loisirs de sa sinécure, c’est de ce côté que se portaient ses pensées. Peu à peu, sous l’étreinte d’un esprit durement trempé, elles prirent, comme tout ce qu’on y jetait, la forme raide et cassante d’un système.

C’était un édifice politique laborieux et symétrique, au-dessus duquel flottaient un vague déisme et un royalisme équivoque ; un ordre physique et social dont la nature elle-même lui avait livré le secret pour assurer à jamais la multiplication, le bonheur matériel du genre humain, pour en bannir la misère, et pour fonder, sur le bien-être de chacun, l’amélioration morale de tous.

Cette froide utopie s’appuyait sur des calculs infaillibles, sur des théorèmes abstraits, sur une algèbre mystique dont les initiés connaissaient seuls les formules.

Ce qu’en peut comprendre le vulgaire, et ce qu’il en faut retenir quand on n’est pas économiste en titre d’office, ce sont ces deux axiomes encore débattus aujourd’hui : La terre est pour une nation la source unique de toute richesse ; — L’impôt sur la terre est l’unique redevance due par les sujets au souverain.

On voit assez par quels endroits ces idées touchaient à celles de l’Ami des hommes. Quesnay en fut frappé. Il voulut voir le marquis de Mirabeau. L’abord fut orageux, mais dès la seconde rencontre le maître avait un disciple, le prophète avait un apôtre et bientôt, grâce à ce prosélyte ardent, une école.

L’intimité de ces deux hommes n’allait pas sans