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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/45

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MIRABEAU.

« Je m’en porte très bien », écrit-il avec une joie féroce au milieu des blessés et des morts….

À quarante-trois ans, dégoûté des manèges de la cour, las de naviguer, de guerroyer et de louvoyer, le sage marin est sur le point de jeter l’ancre et de prendre femme. Mais, s’arrachant à toutes les tentations à la fois, il accepte le commandement général des galères de Malte et retourne « à son Africaine », à cette île guerrière qui gardait le souvenir de ses jeunes années, où il trouva malgré lui la richesse, et où il vieillit dans des honneurs bien mérités qui ne devaient rien à la Fortune.

Il ne lui fut pas donné de mourir à temps. Rappelé en France par sa tendresse fraternelle, il vécut assez pour voir sa famille déchirée par d’effroyables discordes que ni ses conseils, ni ses efforts ne purent conjurer ; sa patrie bouleversée par une révolution que, depuis longtemps, il avait prévue. À soixante-dix ans enfin, presque seul survivant de tous les siens, il assistait aux funérailles triomphales du plus fameux de tous.

Trois ans après, le vieux commandeur revenait mourir sur son rocher, devançant de quelques années seulement la disparition de l’ordre illustre dont il avait failli devenir le grand maître, dont il était un des derniers et des plus vaillants soldats.

Le voyageur qui visite, à Malte, la vieille et somptueuse église des Chevaliers, passe, sans s’y arrêter sans doute, devant une des chapelles voisines du chœur. Derrière la grille ouverte, dans un