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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/67

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MIRABEAU.

En Provence, ce fut une autre affaire. À travers toutes les distances qui le séparaient de cette roture, le jeune comte trouvait dans les élus de son bailliage et dans les colons de ses métairies des hommes de sa trempe et de sa race ; violents et tapageurs, rusés et retors ; des cerveaux brûlés, entêtés de leurs privilèges et de leurs coutumes ; des têtes durcies et cuites au soleil, qui ne craignaient pas plus les coups de bâton d’un gentilhomme que les procès-verbaux de ses gardes-chasse.

À propos de quelques contraventions forestières, le petit seigneur voulut le prendre de très haut, faire marcher la maréchaussée et la justice du Roi. Mais la Révolution couvait déjà dans ces têtes ardentes. Il se heurta aux insolences obstinées d’une bourgeoisie solidement organisée, à la résistance légale des consuls, et à la mollesse du lieutenant criminel, qui osa lui refuser de faire pendre un de ces « républicains », comme les appelait déjà le bailli de Mirabeau.

Il fallut reculer à petit bruit, au risque des méchants propos et des moqueries. « Je n’aurais jamais cru qu’il coulât du sang de macreuse dans les veines d’un Mirabeau », disait un jour, en pleine assemblée, un vieux hobereau du voisinage.

Pour se distraire de ces déboires, le comte allait quelquefois à Aix, où il trouvait des parents, des amis, et des plaisirs de passage.

Il y avait là une jeune héritière très entourée, très courtisée, bien qu’elle ne fût pas belle, et recherchée