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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/77

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MIRABEAU.

et conduits, l’un au donjon de Vincennes, l’autre à Paris, dans une maison de refuge.

C’est là que, quelques mois après, Sophie de Monnier accouchait d’une fille ; mais bientôt, cette enfant qu’elle avait à peine vue, mourait loin d’elle, emportant la dernière joie, le dernier orgueil qu’elle pût avoir dans ce monde.

Mirabeau resta enfermé à Vincennes pendant près de quatre années. À peine rendu à la liberté, on sait comment l’amant de Sophie rompit sans pitié cette autre chaîne. Au bout de quelques mois, à son heure, à sa convenance, quand survint une occasion commode, et alors que, déjà, il négociait sa paix avec sa femme, il alla trouver, à Gien, Mme de Monnier. Quelques nuits de plaisir usèrent les restes de cette passion qui, pendant quatre ans, avait fait tant de bruit dans sa tête, mais qui, malgré ses grands élans de tendresse, ne paraît pas avoir pénétré bien loin dans son cœur.

Quant à elle, on sait aussi les consolations désespérées qu’elle chercha dans d’autres amours ; comment enfin, veuve et libre depuis longtemps, au moment où une lueur de vraie tendresse et de bonheur allait peut-être éclairer sa destinée, la pauvre abandonnée, lasse de vivre, mit fin elle-même à ses jours. C’était à l’heure où, comblé de gloire, Mirabeau arrivait à l’apogée de sa fortune…. Quelque jugement que l’on porte sur la femme qu’il a perdue, la vie et la mort de Sophie de Monnier doivent peser lourdement sur sa mémoire.