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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/83

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MIRABEAU.

« Il ne naît pas, en quatre siècles, quatre hommes capables de prévoir jusqu’où peuvent aller les innovations, d’où l’on peut conclure que les changements constitutifs sont rarement sans danger. »

Les « changements » qu’il semble vaguement entrevoir sont d’ailleurs de purs enfantillages : faites une bonne constitution, que le Prince et le Peuple lui obéissent fidèlement, et tout ira mieux…. « Laissez l’homme libre ; instruisez-le, rendez-le heureux, et fiez-vous à lui pour vous récompenser du mérite d’être justes. » C’est bien simple ! un peu trop peut-être pour les hommes de notre temps qui savent, à l’épreuve, ce que valent ces chimères de la politique contemplative.

Ce qu’il faut louer dans cet essai turbulent, c’est le courant rapide des idées, le souffle vivant qui les pousse ; un patriotisme sincère, assez rare à cette époque, et qui donne à certaines de ces pages une véritable grandeur ; enfin, la variété, l’étendue des connaissances que ce jeune homme semble tenir en réserve et comme sous la main, sans qu’on puisse bien voir d’où elles lui ont pu venir.

Son style, bien moins personnel que celui de son père, moins expressif et moins rugueux, a presque toujours l’élan, l’harmonie flottante et suspecte du discours ; c’est la phrase oratoire, où le mouvement, le bruit et l’image tiennent plus de place que la pensée.

Ce que je dois noter aussi, pour y revenir plus tard, c’est l’habileté naturelle des agencements et des placages ; l’entassement des digressions et des