Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/26

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ne ressemble en rien à celle dont ils nous instruisent. Je ne sais ce que c’est que le socinianisme, ainsi je n’en puis parler ni en bien ni en mal ( et même, sur quelques notions confuses de cette secte et de son fondateur, je me sens plus d’éloignement que de goût pour elle ) : mais, en général, je suis l’ami de toute religion paisible, où l’on sert l’Être éternel selon la raison qu’il nous a donnée*. Quand un homme ne peut croire ce qu’il trouve absurde, ce n’est pas sa faute, c’est celle de sa raison a : et comment concevrai-je que Dieu le

La partie de cette phrase qui est imprimée ici entre deux parenthèses, est remarquable sous plus d’un rapport. D’abord on la trouve dans l’édition originale ( Amsterdam, 1758), non comme faisant partie du texte même, mais à la fin de l’ouvrage et en forme d'addition envoyée par l’auteur à son libraire, lorsque l’impression était déjà commencée. En second lieu, quoique cette addition, insérée depuis dans le texte, se retrouve dans toutes les éditions postérieures, elle n’est point dans celle de Genève faite en 1782, après la mort de Rousseau, mais sur les matériaux qu’il avait réunis et fournis lui-même.

Il résulte clairement de ces deux faits, 1° que ce qu’il dit ici de son éloignement pour le socinianisme fut une idée conçue après coup et comme effet en lui d’une réflexion tardive, si même en cette occasion il n’a pas sacrifié quelque chose à la convenance, en énonçant une disposition que réellement il n’avait point ; 2° qu’il s est dans tous les cas rétracté à cet égard, et n’a pas voulu dans l’édition générale dont il avait préparé les matériaux, laisser subsister un passage contraire à ses véritables sentiments. Car sans doute on ne peut supposer que les éditeurs de Genève aient fait cette suppression de leur chef. Cette rétractation de notre auteur est d autant plus réelle et indubitable, que dans une des lettres les plus remarquables de sa Correspondance (à M. ***, 15 janvier 1769), il a très-clairement énoncé son opinion sur celui qu’il appelle le sage hébreu, mis par lui en parallèle avec le sage grec ; or cette opinion est celle du socinien le plus décidé. (Note de M. Petitain.)

Je crois voir un principe qui, bien démontré comme il pourrait l’être, arracherait à l’instant les armes des mains à l’intolérant et au superstitieux, et calmerait cette fureur de faire des prosélyte