Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/114

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hors par échange, à moins qu’ils n’achetassent des superfluités ; ainsi l'argent, même en pareil cas, ne leur serait pas nécessaire pour le commerce, puisqu’il est la seule marchandise qu’ils iraient chercher. Il suit de là que, dans les rapports de nation à nation, le Corse n’a aucun besoin d'argent.

Au dedans, l’île est assez grande et coupée par des montagnes, ses grandes et nombreuses rivières sont peu navigables ; ses parties ne communiquent pas naturellement entre elles ; mais la différence de leurs productions les tient dans une dépendance mutuelle, par le besoin qu’elles ont les unes des autres. La province du cap Corse, qui ne produit presque que du vin, a besoin de blé et d’huile que lui fournit la Bologna. Corte, sur la hauteur, donne de même des grains, et manque de tout le reste ; Bonifazio, au bord des marais et à l’autre extrémité de l’île, a besoin de tout et ne fournit rien. Le projet d’une égale population demande donc une circulation de denrées, un versement facile d’une jurisdiction dans une autre, par conséquent un commerce intérieur. Mais je dis à cela deux choses : l’une, qu’avec le concours du gouvernement ce commerce peut se faire en grande partie par des échanges mutuels et convenables ; et, par une suite naturelle de l’autre, ce commerce et ces échanges doivent diminuer de jour en jour et se réduire enfin à très-peu de chose.

On sait que, dans l’épuisement où les Génois avaient mis la Corse, l'argent, sortant toujours et ne rentrant point, devint à la fin si rare, que dans quelques cantons de l’île la monnaie n’était plus connue, et qu’on n’y faisait de ventes ni d’achats que par des échanges. Les Corses, dans leurs mémoires, ont cité ce fait parmi leurs griefs ; ils