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DES INSTITL’TIONS POLITIQUES. 22ê

jour ensemble, savoir que les lois sont mauvaises et qu’elles sont sans vigueur. Si les lois étaient assez claires, elles n au- raient pas besoin sans cesse de nouvelles interprétations ou de nouvelles modifications ; si elles étaient assez sages et si elles étaient aimées et respectées on ne verrait pas ces funes- tes et odieuses contestations entre les citoyens pour les élu- der, et le souverain pour les maintenir. Les multitudes effroyables d’édits et de déclarations qu’on voit émaner jour- nellement de certaines cours ne font qu’apprendre à tous que le peuple méprise avec raison la volonté de son souve- rain, que l’exciter à la mépriser encore davantage en voyant qu’il ne sait lui-même ce qu’il veut. Le premier précepte de la loi doit être de faire aimer tous les autres ; mais ce n’est ni le fer, ni le feu, ni le fouet des pédants de cour qui font observer celui-là, tous les autres servent de peu, car on prêche inutilement celui qui n’a nul désir de bien faire. Appliquant ces principes à toutes les lois, il nou^ se- rait facile d’assigner le degré d’estime qu’on doit à ceux qui les ont rédigées et à ceux pour qui elles ont été faites. Par exemple, la première réflexion qui se présente en con- sidérant le gros recueil de Justinien, c’est que cet ouvrage immense a été fait pour un gi*and peuple, c’est-à-dire pour des hommes incapables d’aimer leurs lois, par conséquent de les observer et même de les connaître ; en sorte* qu’en voulant tout prévoir Justinien a fait un ouvrage inutile.

Un auteur moderne qui saitinstruire par les choses qu’il dit et par celles qu’il fait penser, nous apprend que tout ce que la loi propose pour récompeme en devient Mne en effet. 11 n’était donc pas plus difficile aux législateurs d’ex- citer aux bonnes actions que d’empêcher les mauvaises. Cependant ils se sont presque tous bornés à assurer la vin-