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ou LA VIE DE CLAUDE NOYER. . 279

gouverneur et aux vieilles histoires de son père, prit véri- tablement du goût pour Claire ; de ce goût impétueux, sans délicatesse et sans retenue, à courir après la possession sans même songer à plaire, et tel, en un mot, qu’un jeune homme de son état pouvait en prendre pour la fille d’un paysan. N’ayant donc rien pu obtenir de gré, il résolut d’user de surprise à la première occasion. Il avait remar- qué que ma sœur allait, tous les matins, porter du lait au château. Il fallait pour cela traverser un coin du parc très- propre à réceler des larcins amoureux. Ce fut là qu’un jour il vint l’attendre de bonne heure, bien résolu de tirer du tête-à-tête un meilleur parti qu’il n’avait fait de toutes ses agaceries. Il courut à elle dès qu’il l’aperçut, et profi- tant de l’embarras où la mettait, pour sa propre défense, la conservation de son lait, il causa bien du désordre dans son ajustement avant qu’elle eût trouvé le moyen de se garantir. Enfin le danger augmentant et le jeune homme gagnant toujours du terrain malgré ses menaces réitérées, elle prit le parti de se faire une arme à elle-même de ce qui en servait à son adversaire, et lui couvrit le visage du vase et de tout le lait qu’il contenait. D’Argentière, inondé et même blessé n’en devint que plus animé, mais Claire, débarrassée de son obstacle, se mit bientôt en état de l’être de son ennemi ; et cet emporté, plus furieux d’une dé- fense