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FRAGMENTS DIVERS.

rais satisfaire à mon aise aussi publiquement qu’impunément ; car il est clair qu’ils redoutent plus que la mort toute explication avec moi, ils veulent l’éviter à quelque prix que ce puisse être. D’ailleurs, que me feront-ils, m’arrêteront-ils ? c’est tout ce que je demande et je ne puis l’obtenir. Me tourmenteront-ils ? Ils changeront l’espèce de mes souffrances, mais ils ne les augmenteront pas. Me feront-ils mourir ? Oh ! qu’ils s’en garderont bien ! ce serait finir mes peines. Maître et roi sur la terre, tous ceux qui m’entourent sont à ma merci, je peux tout sur eux et ils ne peuvent plus rien sur moi. — Il n’y a plus ni affinité ni fraternité entre eux et moi ; ils m’ont renié pour leur frère, et moi je me fais gloire de les prendre au mot. Si, néanmoins, je pouvais remplir encore envers eux quelques devoirs d’humanité, je le ferais sans doute, non comme avec mes semblables, mais comme avec des êtres souffrants et sensibles qui ont besoin de soulagement. Je soulagerais de même et de meilleur cœur encore un chien qui souffre ; car n’étant ni traître ni fourbe et ne caressant jamais par fausseté, un chien m’est beaucoup plus proche qu’un homme de cette génération.