Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/424

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398 LETTRES INÉDITES.

dignes de vous, et qu’on né connaît point dans votre étal. Pour moi, tant que mon cœur s’attendrira sur l’amitié, je ne serai point trop à plaindre. Je vous suis obligé de m’a- voir guéri d’un préjugé très-injuste ; car il faut avouer que j’en avais aussi.^

Faites ce que vous jugerez à-propos près de M. le prince Henry. L’intérêt qu’il parait prendre à moi me flatte autant qu’il m’honore, et il n’est pas dans mon cœur de m’y re- fuser. Mais je ne vois pas assez clair dans cette affaire pour savoir s’il est de l’intérêt du roi de me soutenir. Il est certain que son autorité est compromise, et que, s’il me soutient et qu’on s*obstine, elle peut l’être davantage encore. Il n’est pas moins sûr d’un autre côté que ces gens-ci visent à l’indépendance, qu’ils y marchent à grands pas sans qu’on ait rien fait jusqu’ici pour les arrêter, et que ce serait pour eux le plus grand malheur d’y parvenir, soit par la constitution de l’État qui n’y est pas propre, * soit par la considération que leur prince leur donne chez leurs voisins et qu’ils perdraient fout entière, soit enfin parce qu’ils ne feraient que changer la douce autorité d’un prince, qui ne peut que les asservir, contre la tyrannie de leur clergé, qui les gouverne et qui les accablera. Dans cette situation, je ne puis savoir si le roi juge que cette princi- pauté vaille la peine qu’il prendrait pour la conserver, ou si, voulant enfin contenir ceux qui la gouvernent, il n’aime pas mieux attendre une autre occasion. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’en attendant ils avancent, et ce qui me navre est que ceci n’est qu’un soufflet bien cruel qu’on donne à mylord maréchal sur ma joue.

Ce que je voudrais serait de savoir les intentions du roi bien au juste. Si je savais qu’il voulût laisser tomber celte