Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/430

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404 LETTRES LNÉDITES.

idylles plus d’étofTe qu’il nen faut pour faire deux bous ouvrages, et pourtant elles n’en font pas uû bon. Pourquoi cela ? Parce que votre tête n’est pas raûre, que votre plume n’est pas faite. — Vous savez créer, mais vous ne savez pas ordonner. Il y a dans votre ouvrage beaucoup de matière, mais elle y est dans le chaos. Je crois voir un vice dans le dessein ; vous n’avez pas assez de chaleur pour traiter tant de petits sujets et les rendre intéressants chacun séparé- ment des autres. Vous pourriez, je pense, employer plus avantageusement les mêmes matériaux ; mais il faut com- mencer par consulter votre goût. Voici, quant à présent, ce que je vous conseille : cherchez YArcadie de Sannazar ; je suppose que vous savez assez d’italien pour l’entendre ; lisez-la, et vous me marquerez ce qne vous pensez, non pas du fond de l’ouvrage, mais de la forme, et de cette ma- nière de lier des sujets détachés. Après cela nous en cause- rons.

J’attendais, pour renvoyer votre manuscrit à M. Duchesne, quelque occasion plus commode et aussi sûre que la poste. Il faudrait d’ailleurs plier les cahiers pour en faire un paquet, et cela les gâterait beaucoup. À dire le vrai, je no crois pas vous rendre un mauvais office en retardant un peu l’occasion de l’imprimer, parce que je sais que vous en pouvez faire quelque chose de beaucoup meilleur sans pres- que y rien ajouter. Mais le public vous jugera sur ce que sera votre courage, et non sur ce qu’il eût pu devenir. Du reste, appliquez-vous plus aux actions qu’aux paroles, c’est un conseil que je vous prie de4)ardonner à l’intérêt que je prends à votre bonheur.

Je vous salue, monsieur, de tout mon cœur.