Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/432

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406 LETTRES INÉDITES.

moi. Tels sont les hommes. Ce qui me rassure pour M. Tis- sol, c’est qu*il leur est trop nécessaire pour qu’ils ne lui pardonnent pas de mieux penser qu’eux ; c’est aux rêveurs purement spéculatifs qu’il n’est pas permis de dire des vérités que rien ne rachète. Le bienfaiteur des hommes peut être vrai impunément ; mais il n’en faut pas moins, je l’avoue, et, s’il était moins directeur utile, il serait bientôt persécuté.

Permettez que je supplie Votre Altesse Sérénissime de vouloir bien lui remettre le barbouillage ci-joint, roulant sur une question métaphysique assez ennuyeuse, dont, pour cette raison, je ne vous propose pas la lecture, ni même à M. Tissot ; mais la bonté qu’il a eue de m’envoyer ses ouvrages m’impose Tobligation de lui faire hommage des miens. J’ai même été deux ou trois fois l’été dernier sur le point d’employer, à lui aller rendre sa visite, un de mes pèlerinages, que mes bons intervalles m’ont permis ; mais, quelque plaisir que ce dernier m’eût fait à remplir, je m’en suis abstenu pour ne pas le compromettre, et j’ai sacrifié mon désir à son repos.

Je l’ai relue plusieurs fois, votre lettre, et je ne l’ai jamais lue sans la même émotion. Les chagrins, les maux, les ans ont beau vieillir ma pauvre machine, mon cœur sera jeune jusqu’à la fin, et je sens que vous lui rendez sa première chaleur. Oserais-je vous demander si nous ne nous sommes jamais vus ? N’est-ce point avec vous que j’ai eu Fhonneur de causer un quart d’heure il y a huit ou dix ans à Passy, chez M. de la Pouplinière ? Je n’ai pas^ comme vous voyez, oublié cet entretien, mais j’avoue qu’il m’eût fait une autre impression si j’avais prévu la correspondance que nous avons maintenant et le sujet qui l’a fait naître. Qu*ai-je fait