Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/306

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Mais ce projet, pour l’exécution duquel les soins de M. Clairaut étoient nécessaires, échoua par la mort inopinée de ce profond & estimable savant.

Comme je conservois toujours la même idée de l’extrême pauvreté de M. Rousseau, je conservai aussi la même disposition à l’obliger, &, dès que je fus assuré de l’intention où il étoit de passer en Angleterre sous ma conduite, je formai le plan d’un artifice à-peu-près semblable à celui que je n’avois pu exécuter a Paris. J’écrivis sur le champ à mon ami, M. Jean Stewart, de Buckingham-Stréet, que j’avois une affaire à lui communiquer, d’une nature si secrete & si délicate que je n’osois même la confier au papier,mais qu’il en apprendroit les détails de M. Elliot (aujourd’hui le chevalier Gilbert Elliot), qui devoir bientôt retourner de Paris à Londres.

Voici ce plan, que M. Elliot communiqua en effet quelque tems après à M. Stewart, en lui recommandant le plus grand secret. M. Stewart devoit chercher dans le voisinage de sa maison de campagne quelque fermier honnête & discret, qui voulut se charger de loger & nourrir M. Rousseau & sa gouvernante, & leur fournir abondamment toutes les commodités dont ils auroient besoin, moyennant une pension, que M. Stewart pouvoit porter jusqu’à cinquante ou soixante livres*

[*La livre sterling vaut environ 22 liv. 10 sols de notre monnoie.] sterlings par an ; mais le fermier devoit s’engager à garder exactement le secret, & à ne recevoir de M. Rousseau que vingt ou vingt-cinq livres sterlings par an, & je lui aurois tenu compte du surplus.