Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/319

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& même très-sociable. Je reconnus là cette foiblesse ordinaire de mon ami, qui veut toujours être un objet d’intérêt en passant pour un homme opprimé par l’infortune, la maladie, les persécutions, lors même qu’il est le plus tranquille & le plus heureux. Son affectation de sensibilité extrême étoit un artifice trop souvent répété pour en imposer à un homme qui le connoissoit aussi bien que moi. D’ailleurs, en le supposant même aussi vivement affecté qu’il le disoit, je n’aurois pu attribuer cette disposition qu’à la prétendue lettre de Roi de Prusse, dont il avoit témoigné tant de chagrin dans les papiers publics.

J’attendis trois semaines sans avoir de réponse. Ce procédé me parut un peu étrange, & je l’écrivis à M. Davenport ; cependant a comme j’avois affaire à un homme très-étrange aussi, & que j’attribuois toujours son silence à la petite honte qu’il pouvoit avoir de m’écrire, je ne voulus pas me décourager, & perdre, pour un vain cérémonial, l’occasion de lui rendre un service essentiel. Je renouvellai donc mes sollicitations auprès des Ministres, & je fus assez heureux dans mes soins pour être autorisé à écrire la lettre suivante à M. Rousseau : c’est la premiere dont j’aye conservé une copie.

M. HUME À M. ROUSSEAU.

Londres, le 19 Juin 1766.

“Comme je n’ai reçu, Monsieur, aucune réponse de vous, j’en conclus que vous persévérez dans la résolution de refuser les bienfaits de Sa Majesté, tant qu’on en sera un