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Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/337

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guère de son logis de Londres, où ses admirateurs venaient le visiter en foule.

Un soir, l’illustre musicien se trouvait dans sa salle de travail du premier étage, pièce vaste et somptueuse qu’il préférait à ses salons du rez-de-chaussée à cause d’un orgue magnifique adossé à l’un des panneaux.

Au milieu des vives lumières, quelques invités devisaient bruyamment, égayés par un repas copieux que leur avait offert le maître, grand amateur de chère délicate et de bon vin.

Le comte de Corfield, qui était présent, mit la conversation sur le génie de l’amphitryon, dont il vanta les chefs-d’œuvre avec l’enthousiasme le plus sincère. Les autres firent chorus, et chacun admira la puissance du don créateur et inné, que le vulgaire ne pouvait acquérir même au prix du labeur le plus acharné.

Au dire de Corfield, une phrase éclose sous un front paré de l’étincelle divine pouvait, banalement développée par un simple technicien, animer maintes pages de son souffle. Par contre, ajoutait l’orateur, un thème ordinaire, traité par le cerveau le mieux inspiré, devait fatalement conserver sa lourdeur et sa gaucherie, sans parvenir à dissimuler la marque indélébile de sa plate origine.

À ces derniers mots Hændel se récria, prétendant que, même sur un motif construit mécaniquement