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Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/375

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exécutait de la sorte un véritable duo solitaire et parvenait à augmenter encore l’attrait de sa prestigieuse diction.

Bientôt Schahnidjar, complètement éveillé, paraissait à la fenêtre avec sa favorite Neddou, la belle Moresque dont il était follement épris.

Ghîriz, à l’instant même, sentait son cœur agité battre violemment. Il regardait avec ivresse la divine Neddou, qui, de son côté, lui jetait de longs regards chargés de brûlant amour.

L’aubade terminée, la fenêtre se refermait, et le poète, errant sous le ciel bleu, emportait dans son esprit l’éblouissante vision, hélas ! trop fugitive. Ghîriz aimait passionnément Neddou et se savait aimé d’elle.

Chaque soir, en dilettante convaincu, Schahnidjar, voulant voir le coucher du soleil, escaladait avec la favorite certain monticule sablonneux d’où la vue s’étendit largement du côté de l’occident.

Parvenu au sommet de la stérile tumescence, l’aimable marchand se repaissait joyeusement du spectacle féerique offert par l’horizon ensanglanté.

Après la complète disparition de l’opulente boule de feu, Schahnidjar redescendait au bras de sa compagne, en pensant d’avance aux mets savants et aux boissons choisies appelés à lui procurer sous peu le bien-être et la jubilation.