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Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/91

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notes de la mélodie, tandis que ses deux biceps travaillaient à la fois, ― l’un faisant alterner l’accord parfait et l’accord de neuvième en agitant dans les deux sens le soufflet de l’accordéon, ― l’autre abaissant au moment voulu, sur la base du triangle, la tige de fer pareille à un battant de cloche.

À droite, vue de profil et formant une des faces latérales du meuble, une grosse caisse à mailloche mécanique avait pour pendant, du côté gauche, une paire de cymbales fixée à l’extrémité de deux solides supports de cuivre. Sans cesse, au moyen d’un saut habile qui ne remuait que ses épaules en laissant sa tête indépendante, Tancrède mettait en mouvement une planchette à ressort sur laquelle il se tenait debout ; sous le poids de son corps retombant lourdement, la mince surface mobile actionnait en même temps la mailloche et la paire de cymbales dont le frottement assourdissant se confondait avec le coup sonore de la grosse caisse.

L’ouverture magistrale, aux nuances fines et variées, se termina par un presto plein d’allure, durant lequel les cuisses tronquées du phénomène, rebondissant à chaque temps sur la planchette, rythmaient une vertigineuse mélodie accompagnée fortissimo par la basse vibrante de l’accordéon jointe aux multiples tintements du triangle.