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Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/208

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D’écrivassiers qui sont ses conseils et se bourre
De romans ; pourvu qu’elle aperçoive à peu près
L’intrigue et puisse, quand il faut faire des frais,
Placer son mot, cela suffit ; ses exigences
Ne sont pas celles des hautes intelligences ;
Approfondir, c’est pour elle pur superflu ;
Ce qu’elle veut, c’est dire à tout propos : « J’ai lu… »
Parfois elle met sa main novice à la pâte,
Croit l’inspiration débonnaire, se tâte,
Et le front dans les doigts, l’œil trouble, elle produit
Des vers, pendant au moins la moitié de la nuit.
En ce moment, suivant sa manie, elle cause
Avec un incompris qui se cambre et qui pose ;
Il est plat, mais rempli de venin doucereux ;
Il sourit aux gens, puis s’esclaffe derrière eux.
Le plus mince succès du voisin l’horripile ;
C’est en grinçant des dents à lui seul qu’il empile
Ses manuscrits qui vont s’engouffrer tour à tour
Dans ses tiroirs, sans qu’un d’eux puisse voir le jour.
Il exècre le genre humain, casse du sucre