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Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/215

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Baragouinant dans leur coin, deux institutrices
Patientent, debout et raides, à l’écart,
Tout naturellement mises comme au rancart
Dans cet effacement humble que leur commande
Leur position peu franche ; une est allemande ;
Elle présente un type ingrat, fade, ennuyeux ;
En parlant, elle ferme à chaque instant les yeux,
Allongeant le menton et la bouche ; elle cherche
Ses mots ; elle a besoin qu’on lui tende la perche,
Qu’on l’encourage, qu’on pénètre du regard
Sa pensée ; elle prend une bonne heure un quart
Pour raconter jusqu’à la fin une aventure ;
Son récit est lourd, car elle ne dénature
Jamais la vérité stricte, se donnant tort
Lorsque les preuves sont là ; c’est avec effort
Qu’elle élabore son idée et la formule.
L’autre sacrifiée est anglaise ; elle est nulle ;
Elle rit de tout son cœur du matin au soir ;
Elle rit quand, d’un geste, on l’invite à s’asseoir,