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Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/221

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De trois quarts d’heure, puis recommence ; il avalle
La moitié de ses mots. Quand il marche, à défaut
D’auditeur, il se parle à lui-même tout haut ;
Il tergiverse, fait des haltes, gesticule
Sans conscience du lieu ni du ridicule ;
Souvent il rit d’un air perspicace, entendu,
Semblant se dire à part lui : « Pas mal répondu ! »
Déjà de loin, pendant qu’on vient à sa rencontre,
On s’étonne de sa mimique, on se le montre
Et, pour le désigner mieux, on allonge un doigt
En plein vers lui ; jamais il ne s’en aperçoit,
Tant il s’absorbe dans ses paroles sans suite.
Parfois il est repris de désirs d’inconduite ;
Ses petits yeux se font soudain malicieux
Et scandalisent par leur éclat vicieux ;
Dans sa stagnation inféconde, sénile,
Il retrouve un moment de fougue juvénile ;
Il serait volontiers libertin, égrillard,
Malgré son crâne jaune en bille de billard
Et sa bouche sans dents. Ses parents et parentes