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Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/227

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Baille, se lève, marche en tapant fort du pied,
Redevient à peu près lucide, se rassied,
Reprend son livre, tend sa pensée et se plonge
Jusqu’au cou dans la sombre intrigue ; elle prolonge
L’épreuve, écarquillant péniblement les yeux,
Sans réussir beaucoup plus mal ni beaucoup mieux ;
Le texte, de nouveau, danse, se désagrège ;
Elle se lève encore et refait son manège,
Puis relit un passage ; après plusieurs essais,
Toujours suivis du même et croissant insuccès,
Elle y renonce et dit, l’œil au ciel : « Sainte Vierge,
Que je m’ennuie ! »

À deux pas d’elle, sur la berge,
Un homme conte, non sans prendre un air malin,
Une histoire des plus piquantes dont la fin
Promet d’être au plus haut point imprévue et verte ;
Une femme l’écoute ; elle a la bouche ouverte,
Conservant un demi-sourire, et ne perd rien
Dans les émoustillants détails ; elle aime bien