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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/148

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nonçait une saison propice et assurait d’avance une abondante moisson ; faible et restreinte, elle prédisait au contraire une grande sécheresse suivie de disette et de ruine. Or les faits avaient toujours donné raison à ce credo.

Au moment de son étrange maladie, qui n’allait pas sans être accompagnée d’un accès de fièvre dont l’intensité le forçait de s’aliter, Pizzighini était toujours épié par un groupe de cultivateurs, et, suivant la quantité de sang exsudé, l’allégresse ou la consternation se répandait de proche en proche dans toutes les plaines de la contrée.

Quand le pronostic était satisfaisant, les campagnards, certains qu’une superbe récolte leur donnerait de longs jours de repos et de joie, remerciaient le nain en lui envoyant maintes offrandes. Leur superstition faisait de lui une sorte de dieu. Prenant un effet purement météorique pour une cause, ils pensaient que de son plein gré Pizzighini décrétait la bonne ou mauvaise moisson et, en cas de prédiction heureuse, l’incitaient, par la richesse intéressée de leurs dons, à les contenter encore l’année suivante. Par contre, une suée minime ne provoquait aucun présent.