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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/20

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Au temps jadis, dans Gloannic, sa capitale, Kourmelen, roi de Kerlagouëzo, — contrée sauvage marquant l’extrême pointe occidentale de la France, — sentit, jeune encore, décliner rapidement sa santé dès longtemps précaire.

Kourmelen, depuis un lustre, était veuf de la reine Pléveneuc, morte en donnant le jour à son premier enfant, la petite princesse Hello.

Ayant plusieurs frères envieux qui briguaient le trône, Kourmelen, tendre père, songeait avec effroi qu’après son trépas, sans doute prochain, Hello, appelée par la loi du pays à lui succéder sans partage, serait, vu son jeune âge, en butte à maintes conspirations.

Dépourvue de joyaux, mais rachetant son défaut de luxe par une extrême ancienneté, la lourde couronne d’or de Kourmelen, ayant, sous le nom de la Massive, ceint de temps immémorial chaque front souverain de Kerlagouëzo, était devenue, à la longue, l’essence même de la royauté absolue, et privé d’elle nul prince n’eût pu régner un seul jour. Par suite d’un ardent fétichisme, apte à prévaloir contre toute légitimité, le peuple eût reconnu pour maître tel