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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/429

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manquer de détruire le restant de la récolte, non sans ravager en même temps toutes les cultures ; or la chute d’un des fruits présentés constitue de suite une menace qui, se rapportant au fléau dévastateur, exige, pour être conjurée, le trépas immédiat de la délinquante. Dans l’effroi continuel qu’inspire en ces pays la fréquente famine due aux sauterelles, on n’hésite pas à immoler quelques danseuses, croyant sauver ainsi des vies par milliers. Exigeant forcément un suprême luxe, l’offrande au souverain comporte toujours un grand nombre de fruits, échafaudés en hautes pyramides dans trois corbeilles primitives, que l’almée, durant sa danse complexe et assez vive, tient en menaçant équilibre au faîte de son chef et sur la face charnue de ses mains bien déployées. Ces conditions rendant le problème ardu, plusieurs victimes, souvent, sont sacrifiées sur l’heure pour allégement accidentel de leur charge, avant qu’une ait enfin la chance d’atteindre victorieusement le but. Aussi la plus cruelle frayeur étreint-elle les malheureuses pendant l’accomplissement de leur tâche. »

Joignant à son célèbre don de traiter prodigieusement les fruits une maîtrise incontestée