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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/436

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Ayant eu vent de la présence de Félicité à Locus Solus, Noël, par émulation, était venu la veille donner une séance fort curieuse au maître, qui l’avait prié d’exercer aujourd’hui son art devant nous dans cette clairière enchanteresse, saisissant avec joie l’attrayante occasion de nous faire comparer le talent de ces deux augures de grand chemin, si différents par l’âge et par le sexe.

Sac aux épaules comme un soldat, Noël surveillait, en l’appelant doucement « Mopsus », un coq alerte qui, marchant auprès de lui, portait sur le dos son bagage personnel dans une hotte exiguë, fixée par deux lanières embrassant respectivement son cou et ses plumes caudales. Les parois de l’objet, dont la carcasse, légèrement courbe, épousait le corps de l’oiseau, étaient finement faites en un filet très élastique, distendu par l’entassement de maints articles prisonniers, chargés çà et là de métalliques reflets de lune.

Noël mit le coq debout sur une légère table pliante, qu’à notre approche il venait d’installer sur le sol, puis, lui enlevant sa hotte, nous proposa des horoscopes.