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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/72

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Dès lors une chasse effroyable commença. Les jeunes gens, ployés par l’épouvante, cherchaient à fuir le fléau aérien qui les poursuivait avec acharnement. La lutte ne pouvait durer, tant le globe fluide mettait d’agilité à déjouer les feintes brusques tentées par les condamnés pour se soustraire à l’ombre mortelle.

Mais, depuis quelques instants, une colombe, s’élevant hors du Fuglekongerige, avait pris sa course à plein vol vers le lieu découvert où se jouait la scène angoissante.

Planant au-dessus de la sphère pour éviter l’obscurcissement meurtrier, la nouvelle venue, en baissant le bec, but avidement jusqu’à la dernière goutte l’eau vagabonde et terrible.

Les onze frères, comprenant qu’ils se trouvaient en présence d’Ulfra, mirent un genou en terre, émus et repentants.

La colombe, se faisant guide à la place du linot, les entraîna sur la route du retour, où ils la suivirent docilement.

Le domaine familial une fois en vue, les temps maléfiques étant révolus, la douce Ulfra reprit sa forme féminine — et prononça quelques paroles de touchante conciliation, en tendant les bras à