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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/94

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idéalement aux poses plastiques de la jeune femme, semblable à quelque troublante ondine. Le timbre avait une saveur singulière, due au milieu liquide où les sons se propageaient.

Passant parfois devant elle, un surprenant animal explorait l’énorme cuve en nageant allégrement, — sujet terrestre à coup sûr, comme en témoignait sa structure de quadrupède griffu. Rose et exempte de tout pelage, sa peau impressionnante déroutait l’observateur ; mais un formel renseignement spécifique était fourni par ses yeux, qui sans conteste appartenaient à un chat.

À droite, un objet peu consistant, immergé à une profondeur de cinq décimètres, pendait au bout d’un fil. Ce ne pouvait être que le résidu interne d’une face humaine, sans nul vestige d’éléments osseux, charnels ou cutanés. Sous le cerveau, demeuré intact, les muscles et nerfs développaient de tous côtés leurs réseaux complexes. Grâce à une mince carcasse presque invisible soutenant délicatement ses moindres coins, l’ensemble conservait sa forme originelle, et rien qu’à la configuration de tel plexus on reconnaissait clairement la place des joues, de la