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Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/11

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rideau d’un grand théâtre à la rentrée d’un grand acteur. Quand il parut, ce fut un éblouissement.

Puis, on le vit s’avancer majestueusement dans l’espèce d’hémicycle d’azur que les nuages lui formaient, et toute la surface de la mer s’embrasa de ses feux. Bientôt les nues s’enflammèrent à leur tour, et tout l’horizon parut enveloppé d’un immense incendie.

Mais l’astre de feu descendait, toujours, brûlant tout sur son passage, et je le vis enfin s’enfoncer lentement dans les vagues incandescentes. La mer s’assombrit par degrés, pendant que les nuages s’allongeaient sur les pans du ciel comme d’immenses tisons encore flamboyants. Peu à peu leur éclat diminua, l’horizon devint pâle, les reflets s’éteignirent, et tout se nuança de la couleur terne et sombre de la mer.

Deux heures après la scène avait changé de décors.

Le couchant rentrait dans la nuit, et l’Orient s’illuminait à son tour de clartés pâles et douces. La lune presque pleine se levait en souriant, et s’élançait à la poursuite du soleil, auquel elle doit sa lumière. Des nuées légères et vaporeuses s’écartaient en rougissant sur son passage, et ses rayons clairs jouant sur les vagues y traçaient des dessins fantastiques et en faisaient jaillir des paillettes d’argent.

Debout sur le pont du navire, j’ai contemplé ce spectacle qui ravissait et je me suis laissé entraîner sur la pente de la rêverie.